dimanche 24 mars 2013

Luang Prabang - Sam Neua

     Comme prevu, nous entamons la piste juste apres Luang Prabang ou nous avons uniquement dormi et mange, en prenant tout de meme le temps de faire l'article. Aucun de nous deux n'a envie d'avancer, a croire que nous nous perdons volontairement a la sortie de la ville dans un sentier. Une fois la route retrouvee, nous faisons a tout casser du 7km de moyenne sur la moindre bosse pour enfin se laisser couler jusqu'a que l'equilibre vienne a nous manquer. Quelques kilometres plus loin, la piste. Un peu decus sur le coup, on s'attendait a une piste pure et dure, avec des grands trous, des rochers, des pieges en travers le chemin; c'en est pas. La piste qui coupe plein est entre la route principale, est large et lisse, une "route mais sans goudron" comme on dit sur le moment, un peu peteux.


     Mais la "route sans goudron" nous montre rapidement son vrai visage, elle devient epouvantable, apres quelques kilometres, on s'ecarte de la riviere et la, et la, coup de baton derriere les oreilles. La piste grimpe le diable pendant cinq kilometres, les deniveles sont parfois invraisemblables, on a de quoi grimper des murs, mais ici rien n'y fait, petit plateau, grande vitesse, ca force dur. Une fois en haut, pas le moindre plat, ca redescend a pic. Et en bas, meme schema, il nous faut regrimper aussitot. Aucun repis. Robin y casse par deux fois sa chaine et y laisse un cale pied. Avec la fournaise environnante, les foutus poteaux electriques (qui longent le chemin) que l'on apercoit au loin vers les sommets nous indiquant que la montee est loin d'etre terminee ou qu'une terrible cote est a venir a peine la redescente entamee, le passage des vehicules qui nous recouvre de poussiere, le moral est dans les chaussettes. Il nous faut en plus rationner l'eau de temps en temps car meme si les villages (en general dix ou quinze maisons) sont relativement rapproches ils nous faut du temps pour les atteindre.


     Mais heureusement les laotiens aiment prendre soin du falang; le premier soir, alors qu'on s'endort en bord de riviere, apres une baignade commune avec les villageois a la tombee de la nuit: "No No!". Un homme gesticule avec sa lampe torche (ils en ont tous une dans la poche a defaut de lampadaires) et nous eblouit, arrive le reste de la troupe, ils sont environ cinq mais pas un n'arrive a nous expliquer quoi que ce soit. On comprend bien qu'ils ne veulent pas qu'on dorme ici mais reperant dans l'intonation une forme de bienveillance on fait mine de pas comprendre. On mime qu'ici c'est tres bien pour nous. En plus Robin est fievreux. Bruit de moteur, mobilette qui debarque, lampe torche allumee, cette fois c'est un flic. Il parle anglais et nous explique qu'il prefere que nous dormions a "l'office". Il ne veut pas qu'il nous arrive mesaventure, le gouvernement s'en prendrait a eux d'apres ses dires, ils doivent donc nous prendre en charge. On suit le bonhomme une centaine de metres. On ne sait pas trop ou on debarque, on accede a l'office par une echelle calee contre le fosse. On entre dans une piece; une tele, une table pour poser les bieres et un canape, un rat et une chouette morts sur un bout de table, "Ah plutot style l'endroit". Il y a cinq types, un d'eux nous designe la piece voisine. La piece ressemble a une petite salle de classe. On dort sur le sol sous un tableau d'ecolier dans la poussiere. On ne dort quasiment pas de la nuit. Les flics, dans l'autre piece regardent un film X jusqu'a trois heures du matin, la cloison ne montant pas jusqu'au plafond et le volume n'etant pour ainsi dire au minimum nous ne pouvons dormir. Deux heures et demi plus tard, la maison se reveille, a coup de raclements de gorge, de musique, de pas lourds et presses sur le plancher, on passe aussi dans notre "chambre" pour je ne sais quoi. Ils font un vacarme pas possible. On se tire de cet endroit au plus vite, on parcourt je ne sais comment soixantes kilometres et on s'effondre dans une guesthouse miraculeuse.


     Une autre nuit, apres une journee aussi eprouvante que les autres des gens nous installent des paillasses en bambou sur un endroit degage dans un village, rien de quoi acheter a manger ici. Mais les laotiens se nourrissent exclusivement de riz matin midi et soir. Il s'agit de "Khao niaw" (riz gluant ou riz collant que l'on mange a une main, il faut le malaxer dans la paume pour obtenir la taille voulue). Ils le conserve dans des paniers en bambou de toutes tailles. C'est le produit de base. Apres quelque hesitation j'intercepte un jeune, demande "Khao niaw" puis "Thao dai" et enfin remercie par un "Kop chai".

     Nous sortons de la piste apres 150 kilometres, la vue de l'asphalt nous rehausse le moral, en revanche ces satanes poteaux ne semblent pas vouloir nous lacher, ils sont toujours la. Durant le reste de la semaine nous ne faisons que grimper et descendre comme des imbeciles, tout comme dans la piste. Plusieurs fois nous ateignons la fringale. On monte en general entre six et dix kilometres non stop avec du bon pourcentage et on redescend aussitot; le plat, on ne connait plus. Ces montagnes russes nous irritent et ces poteaux electriques nous rendent fous. Mais les innombrables villages sont traverses avec bonheur, en general a l'entree, passes quelques poules et porcinets des enfants accourent vers les maisons pour prevenir l'arrivee du falang et lorsque l'on passe devant eux: "Sabaideeeee!" ou alors "Bye bye!", toujours en agitant la main. Si un gamin ne reagit pas a notre passage, il se voit souvent agiter sa propre main par sa mere qui lui murmure falang falang. Des fois les papis et mamies s'y mettent aussi et nous lancent de joyeux "sabaidee". C'est sur, nous sommes des falangs, un jour la verite eclate au grand jour: alors qu'on se desaltere devant une boutique, un homme vient nous voir et nous envoie: "falangs?". On est alors bien oblige de se l'avouer et d'acquiescer a travers notre rire: "hm hm falangs".


     En fin d'aprem, dans un enieme village, je resserre une manivelle et rob s'occupe de son pedalier, la piste ne lui a pas fait du bien. S'attroupe alors une trentaine de personnes autour de lui, ca compte le nombre de vitesses et ca tate le pneu; mais lorsque j'ouvre la carte ils migrent et se ruent sur moi. C'est au moment de la pause boisson au shop qui surplombe la route que l'on nous invite pour la nuit, on passera donc la nuit chez le commercant dans sa maison qui sert de boutique ou l'inverse. Un jeune, surement le fils, nous mime d'aspirer quelque chose. Il nous conduit a un cabanon juste derriere la maison, on s'attend a de l'opium, "on va au moins jeter un oeil, on verra bien". Une petite jarre en terre cuite est posee au sol, deux tubes en caoutchouc permettent de boire le melange, il s'agit d'alcool de riz, distille maison. Nous buvons avec le pere, le fils et un de ses amis, le fils etait deja ivre quand il nous a interpele, mais nous buvons peu, on est creuves. L'alcool n'est pas mauvais, il a le gout de riz. La facon de boire le jus est singuliere: chacun doit boire l'equivalent d'un verre d'eau que quelqu'un verse au fur et a mesure dans la jarre, une fois le verre vide, on passe la paille a son voisin. Nous tombons ensuite une biere a leur facon: un d'eux nous sert une mesure, lever de verre, petit coup d'oeil circulaire, les colleguent approuvent, puis lever de coude.


     On mange dans la maison mais nous payons, on prend ce que l'on veut dans la boutique puis nous filons des biftons au jeune. Vers 21heures, installes derriere les etales on s'interroge: le jeune et la mere dorment dans l'unique piece, le pere est parti, mais la lumiere est toujours allumee: "Ptain tu crois qu'ils dorment en plein phare ?" - " Ouai jme demande aussi, c'est bizarre, c'est eclaire dans les autres maisons aussi". Effectivement, nous passons la nuit en plein jour, grand neon au dessus de la tronche, c'est d'autant plus drole que la mere se cache de la lumiere en mettant des vetements sur sa moustiquaire. La couette est a la taille laotienne: on dort les genoux a l'air, nous avons de la chance cette nuit il fait froid.
On nous offre du riz au petit matin, vers 6h puis nous partons, la journee se termine bien mieux que prevu, en manque d'eau et de nourriture on s'arrete vers 21h dans le premier village apres avoir grimpe une cote interminale, je suis en fringale, les jambes qui tremblent, plus de jus. On demande juste de l'eau et du riz et on nous dresse un buffet sur les tables exterieures: trois grands bols de bouillies de legumes et poissons accompagnes d'un large panier de riz bien rempli. On nous tend une biere, on salive, mais le liquide est bien plus puissant qu'une simple binouse, alcool de riz toujours, mais au gout puissant d'eau de vie. Non merci ! On n'ose pas demander l'hebergement considerant que l'on avait deja bien trop recu.


On trouve deux cabanons en bambous au bord d'un chemin. Un d'eux est delabre mais l'autre est impeccable, on dispose la bache et nous y passons une nuit reparatrice.


     Apres s'etre enquilles quelques insupporables grimpettes nous debarquons dans un village en milieu d'apres midi, on s'y arrete pour faire une pause, ah mais quelle pause. De l'autre cote de la route, en face, sous une maison sur pilotis on nous appelle pour l'apero. On y voit une grande jarre, au milieu d'un attroupement. "Bon on s'en met qu'un apres on file"-"Ouai, vraiment qu'un par contre". Apres deja trois quatre verres: "Allez , encore un autre avec le vieu la bas il est sympa". Tout le monde veut boire avec les falangs. Nous en buvons bien plus qu'un et finissons ronds comme des ballons. Les plus solides sont probablement les papis, ils aspirent la pousse de bambou avec facilite et avalent leur dose sans rechigner. C'est une ambiance de fete qu'il y a, une enorme enceinte crache de la musique, le son doit s'entendre a des kilometres. On nous invite a manger dans une maison, on nous offre du riz, de la soupe et du cartilage de boeuf immangeable pour nous. Essayez de manger un morceau de pneu vous allez voir. La viande est chere ici et donc, precieuse, rien ne se jette. Nous restons a la fete jusqu'a la tombee de la nuit. Un des villageois finit par nous prendre en charge et nous installe chez lui. On s'endort comme des masses et on se reveille avec la gueule de bois.


     On decale vers six heures, derniere etape avant Sam Neua. On subit ici le premier accident du periple, petit accrochage avec une moto, choc a cinq a l'heure, aucune egratinure. Petite baignade en bord de route au pied d'une cascade bien fournit pour la saison, je manque d'ailleurs de m'y casser la cheville en retournant vers les affaires.


Soulagement, liberation, lorsque l'on atteint Sam Neua apres une longue descente. En jetant un coup d'oeil au guide on s'apercoit avec etonnement l'altitude de la ville: 1200 metres, on devait etre bien haut a des endroits. "Mais bon maintenant ca va faire que descendre hein". Il nous reste de la montagne et nous le savons, nous preferons ne pas en parler et se voiler la face.

Par ici les photos


dimanche 17 mars 2013

Nakhon Ratchasima - Luang Prabang (Laos)









On fait une etape de pres de 200km pour rallier Khon Kaen. On est sur une grosse route pas bien interessante, et on prefere filer. Apres tout il suffit de debrancher le cerveau et de pedaler! On arrive a Khon Kaen epuises. On tombe comme des masses derriere des buissons, en pleine ville.
On ne voit pas la lumiere du jour pendant les jours suivants : on a trouve le U-bar, toujours rempli d'etudiants Thai de notre age, et on y passe quelques nuits.


Avant de reprendre la route, il me faut passer chez les flics : les types qui m'ont vole ma carte de credit ont reussi a me vider mon compte, il faut que je depose une plainte pour faire marcher l'assurance. Et le moins qu'on puisse dire c'est que la police ne semble pas debordee. Je suis acceuilli par une policiere qui fait faire du coloriage a sa fille, qui m'enmene voir un policier allonge par terre en train de roupiller devant sa tele. Pas un ne parle anglais, mais je finis par avoir un bout de papier qui a l'air d'une declaration de vol.



On choisit de faire un detour de quelques jours pour rouler sur de petites routes et longer le mekong. C'est autre chose que l'autoroute. On prend bien notre pied a retrouver les petits villages et le calme. On n'est pas trop temeraires sur la bouffe car ils mangent vraiment des choses immondes et non identifie, l'odeur sur les marches peut etre insoutenable, ils boivent a pleine gorgee des liquides dont meme l'odeur nous donne la nausee. On s'en tiens aux classiques, riz au porc, soupe de nouilles, brochettes de viande on se regale avec ca. Les cafard dans une sauce gluante, c'est pas pour tout de suite.

Un matin, a l'ouverture du marche, on assiste a un rituel qui nous intrigue bien. Des femmes accroupies font bruler de l'encens et prient, dans la rue. Des moines arrivent avec de grands paniers en bambou, passent devant ces dames et recoivent de la nourriture a profusion. Ils ne disent rien, ne jettent pas un regard, alors que les femmes qui viennent de leur offrir a manger pour la journee les remercient mille fois. Ils s'enmerdent pas quoi! Du coup l'idee de se faire moines nous traverse l'esprit. Car apres leur petite tournee du matin, les moines rentrent a leur temple et restent peinard toute la journee. Il parait qu'ils prient, mais on les voit plus souvent sur leur Ipod que plonges dans leurs livres (remarquez ils prient peut etre electroniquement). A cote de ca, ils semblent etre extremement gentils et tolerants, et on regrette de ne pas s'etre arretes un soir demander l'hebergement.






Le soleil tape fort, et en pleine aprem ca peut etre difficile. Un jour ou je n'ai peut etre pas assez bu j'explose en vol, comme on dit dans notre petit jargon. A peine descendu du velo je dois m'asseoir car la tete tourne trop. Je suis perclus de crampes, jusque dans les abdos (qui pourtant ne sont pas les muscles qui bossent le plus en velo) et me lever me donne envie de vomir. Je pense qu'une nuit de sommeil fera l'affaire. Le lendemain, prevoyants que nous sommes, on part a 13h (a la fraiche quoi). Je met pas longtemps a serrer les dents dans la roue de Vico et la fin de journee est un calvaire entre crampes et envie de vomir. Mais on est recompenses de nos efforts le soir. Alors que je me laisse mourrir sur un trotoir pendant que vic cherche une guest house, j'essaye de discuter un peu avec le type qui fait griller des bouts de calamar devant moi. Tout content que je lui parle, il me dit "go home, same-same". Le "same-same" est tres utilise dans le coin et peut vouloir dire pas mal de choses, mais a force de geste je comprend qu'il nous invite. Vico ne revient pas alors il me dit qu'il rentre et que son "baby" viendra nous chercher. Deux heures plus tard, alors que Vic commence a avoir de serieux doutes sur mon recit, le baby (25 ans, bandana et tatouages) vient nous chercher et nous guider a la maison. Ca faisait un moment que l'on ne s'etait pas fait heberges, et ca nous fait plaisir de retrouver ces moments ou on ne sait pas trop ou se mettre, quoi dire ou quoi faire - et au final bien se marrer et se faire servir comme des princes! Pas moyen de discuter en anglais ici, ni la maman ni les deux fistons ne parlent plus que le pere, mais tous s'occupent de nous du mieux qu'ils peuvent. On regarde l'album photo famillial avant d'aller se coucher (probablement dans le lit des parents mais pas moyen de refuser ces choses la!). Le matin au reveil un copieux dejeuner nous attend.




Apres une journee eprouvante dans la grosse grosse chaleur, on arrive au Mekong. Y a des etapes comme ca qui font plaisir, en voyant le fleuve pour la premiere fois ca fait se rendre compte que quand meme, on a fait de la route. Comme toujours on est bien informes sur les endroits ou on va : -"T'as idee si c'est crade le Mekong?" -"J'en sais rien mais j'me demande si y a pas des aligators ou des gros serpents" -"Bon ben allez, a la flotte". Et la baignade dans le Mekong apres une dure journee, c'est le paradis.


On se trouve une guest house de reve, avec des petits bungalows en bord du fleuve. On s'enfile quelques bieres Chang en regardant le Laos, qui est juste de l'autre cote du fleuve. Il faut bien avouer que la Chang aura coule a flot durant notre passage en Thailande. Mais qu'est-ce que vous voulez, on a entendu dire que la biere apportait des minereaux tres bon pour la recuperation, alors...




C'est en longeant le Mekong que l'on rencontre David, un espagnol qui sera notre compagnon de route pour quelques jours. Tenue de cycliste, casque et lunettes, bagages ultra legers. On se dit qu'il n'est pas la pour rigoler et la premiere cote le prouve, on se fait deposer. Mais on roule avec lui jusqu'a Nong Khai, a quelques kilometres de la frontiere Lao. Apres un passage a la douche notre espagnol est meconnaissable, il passe du cycliste pro au hippie. Il a passe 3 mois en inde avant de venir en Thailande ou son visa expire le lendemain, son timing est parfait. Il ne sait pas ou il va apres Vientiane, mais on decide d'aller au moins la bas avec lui. On est bien plus jeunes que lui mais on se sent toujours comme avec un pote en sa compagnie. On partage nos petites histoires de voyage en allant se trouver a bouffer des trucs locaux : c'est pas le genre a bouffer a la guest house, notre espagnol. On recoit nos premieres goutes de pluie depuis des mois et ca fait plaisir!


Le lendemain on se dirige vers le "pont de l'amitie Lao-Thai". 30$, un petit sourire et hop le visa est dans la poche. Si ca pouvait etre toujours comme ca... On n'a plus qu'a enjamber le mekong, et on se retrouve au Laos. Ca a toujours un cote un peu magique les passages de frontiere, et c'est franchement plus agreable que de debarquer par avion. On retrouve le cote droit de la route, on est comme a la maison. Le retro redeviens utile (oui oui, on est tellement feignants qu'il est reste du mauvais cote pendant 2 mois).




Vientiane, la capitale du Laos 250 000 habitants, est en faite un gros village. Le centre ville est occupe par les Falangs (nom donne ici aux occidentaux), alors forcement fleurissent des guest house et restos aux menus occidentaux et plutot chers. Les "ganja, opium, cocaina?" ou le tres classique "lady boom boom?" fusent depuis les nombreux touk touk, mais la ville est au final tres calme et paisible.
Un gros morceau nous atend ici : les visas. On se debarrasse du visa viet qui est rapide et cher, puis on s'attaque au visa chinois. L'embassade de Chine reserve un traitement special aux francais, il nous faut deux fois plus de papiers que les autres : copies de notre vol retour en avion, de nos reservations d'hotels, une lettre de notre employeur, ... Evidemment on n'a rien de tout ca, mais on est en Asie et en alignant quelques dollars on se fait faire des faux. La procedure prend une semaine, et on decide de commencer a remonter vers le nord; on fera un aller retour en bus pour venir chercher nos passeports.
David est deja parti depuis quelques jours, il n'a pas de paperasse faire. On a profite du week end (embassades fermees) pour explorer la petite capitale avec lui, flaner sur les marches et boire des beerlao devant real-barca. Comme d'hab un petit pincement au coeur lors des separations, on aurait bien roule un peu plus avec lui. Mais qui sait si on ne le recroisera pas?



Reprendre la route apres s'etre occupe du "paperwork" nous fait du bien, d'autant plus que le bord de route est particulierement anime. C'est la fete partout et les cadavres de beerlao s'entassent devant les maisons et les bars. Apres quelques kilometres on se rend compte que ce sont surtout les femmes qui eclusent la biere. A chaque village des sonons sont a fond dans toutes les maisons et ca danse ca danse ca danse. On est en milieux d'aprem et de 15 a 75 ans, pas une bonne femme pour marcher droit. Vous comprenez bien que ca ne nous incite pas a faire une grosse journee de velo, et on decide de participer a la fete en prenant nos rations de beerlao. On comprend que la cause de toute cette agitation est la journee de la femme, que les dames lao fetent dignement. On finit la journee dans un petit village en effervescence, et notre nuit se termine au karaoke-bar du coin.


Les jours suivants sont plus calmes, mais les Lao sont extremement chaleureux et souriants. On passe nos journee a repondre aux "Sabaidee!" (Salut!) pleins d'entrain qui nous viennent de partout.
Il nous faut rejoindre Vang Vieng ou l'on pourra prendre un bus allez retour pour nos passeports. La petite histoire de ce village est etonnante. Il y a une dizaine d'annee, un Lao a eu la bonne ou mauvaise idee (a vous de juger) de proposer des aprems "tubing" (se laisser flotter sur une chambre a air de tracteur) sur la riviere Nam Song. Petit a petit, les falangs on commence a accourir, les bars se sont mis a fleurir en bord de riviere et la tradition de s'arreter a chaque bar s'envoyer un seau de vodka ou wisky lao (qui coute environ le meme prix que l'eau) s'est encre. Tous ca a commence a prendre des grosses proportions, le buisness s'est mis a tourner a fond, la police s'est laisse corrompre et tous les produits immaginables se sont mis a circuler librement. Le probleme c'est que des plus en plus de gens avec le cerveau en vrac tentaient des sauts de l'ange a des endroits ou la riviere etait assechee ou battaient involontairement des records d'apnee. Quand les morts se sont mis a s'enchainer trop rapidement, le gouvernement a du dire stop et tout faire fermer - bar et tubing. Depuis quelques mois l'activite reprend doucement mais la ville reste tres calme.
Quand on arrive a Viang Vieng et que l'on tombe sur un village comme les autres, cent pour cent Lao, on se dit que l'on doit s'etre trompes. On trouve finalement la rue qui mene au centre ville, et cent metre plus loin c'est comme a chaque fois une impression etrange qui nous envahis : plus un seul Lao a part pour vendre des sandwichs ou louer des chambres, et des falangs par centaines.



L'aller-retour a Vientiane se fait en une journee, toute la route que l'on a fait en velo et qui nous a tellement plu nous passe sous les yeux, sans saveur. On n'apprecie finalement pas grand chose du haut d'un bus. On ne peut pas s'empecher de se dire qu'on est privilegies de voyager en velo : les meilleurs moments que l'on passe sont dans les villages ou personne ne parle un mot anglais et ou les gens sont ravis de nous voir, plutot que dans les points touristiques ou se concentrent les falangs et ou les rapports avec les gens du pays sont fausses.



On roule a travers les formations kharstique, immenses roches calcaires a l'aspect de pains de sucre. On sait que les prochaines etapes vont etre rudes et on prefere se poser pour une bonne nuit. Un petit coin de verdure au bord d'une riviere nous parait bien adapte, et apres une bonne baignade/douche on se glisse dans nos duvets. C'est la que l'on voit arriver quatre lampes de poche en notre direction. Et merde. Surement des flics, mais ils ne parlent pas un mot d'anglais alors on fait semblant de ne pas comprendre qu'ils nous disent de ne pas rester ici. Ils appelent un copains, surement un qui parle anglais se dit-on. Gagne, au bout d'une demi-heure un autre gazier arrive avec un anglais assez elabore pour qu'on ne puisse plus feindre l'incomprehension. On change de tactique : on n'a pas assez de sous pour se payer une guest house et promis promis demain matin a l'aube on a decampe. Ca ne marche pas vraiment mais ils sont trop gentils pour nous ordonner de partir, ils sont tout penauds. D'apres leurs signes, le risque en restant ici est de se faire trancher la gorge. Apres une demi heure de palabres, la petite troupe se retire. La partie nous semble gagnee, mais ce n'est pas le cas. A la voiture l'un d'entre eux doit regarder les collegues et dire : "Eh oh, on est flics oui ou non?". Les voila qui reviennent prenant leur courage a deux mains pour etre autoritaires. Plus le courage de resister, alors on remballe et on les suit a une guest house. C'est possible de dormir dans la cour gratuitement? C'est possible.


A l'assaut des montagnes. Le veritable ennemis n'est d'ailleurs pas le denivele mais la chaleur qui est accablante. On grimpe durant des heures, bien distraits par des paysages superbes bien que ternis par la poussiere. A propos, toutes nos excuses pour les photos qui ne rendent rien avec ce brouillard, melange de poussiere et de la fume provoque par l'agriculture sur brulis. Le premier jour se passe parfaitement, nos 6 mois d'entrainement nous permettent de grimper sans trop s'epuiser. Vico fait un debut de fringalle en fin de journee mais un petit casse croute permet d'y remedier. 
Il y a dans ces montagnes un nombre impressionant de cyclos. Cette route est la seule permettant de rallier le nord du pays depuis Vientiane; le Laos etant une des destinations tres apprecies pour le voyage a velo, on croise beaucoup de confreres. La plupart sillonnent l'Asie du Sud Est et on est jaloux a la vue de leur chargement si leger. D'autres sont au milieux de voyages plus long et leurs bagages nous rassurent. Tout comme le nombre de cyclos, le nombre de gosses dans ce pays est etonnant. Ca grouille de petiots debrailles, frimousses sales, qui nous poursuivent en criant "Sabaidee! Bye bye!". Quand on s'arrete le soir et qu'on demande a camper sur la place principale, c'est sans etonnement que des dizaines de petits yeux viennent observer nos moindres fait et gestes jusqu'a notre sommeil.





La journee suivante se passe bien moins tranquillement pour moi. A nouveaux, j'explose en vol. Mal de crane, tete qui tourne, les crampes jusque dans le bide, ... Au milieu d'une cote, je jette mon velo a terre et vais roupiller dans un fausse. Je me reveille quelques minutes apres couvert de fourmis, ce qui est finalement une bonne chose : ca m'oblige a repartir. Je dois puiser tres loin pour arriver en haut. Heureusement qu'en contrepartie de ces efforts, on est recompenses par les immenses descentes. Immaginez une demi heure sans mettre un coup de pedale, a rouler tambour battant au milieu de paysages superbes. L'ivresse! Mais on retombe les pieds sur terre quand il faut se remettre a forcer. On parviens a rallier Luang Prabang. Vico commence a accuser le coup lui aussi, meme s'il n'est pas dans un etat aussi minable que moi. On dort pendant deux jours.




Maintenant on met le cap sur le Vietnam. Pour passer dans des endroits moins frequentes, on a choisi d'emprunter une piste qui traverse la montagne. Ca va probablement piquer, mais c'est l'jeu!

Cote chiffres, ca fait maintenant plus de 6 mois que l'on est partis, et on a depasse les 10 000 km.

Les photos c'est par la!